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Conclave budgétaire du 10/03 et compétences "usurpées"

  1. Créé par Justine DI PRIMA
  2. Le 19/03/2012
  3. Dans Subsides Financements
Suite au conclave budgétaire de ce 10 mars, 250 millions d'euros en débat en lien avec les "compétences usurpées". Quel impact sur la coopération?

La coupe de 250 millions d'euros concerne ce que le Gouvernement considère comme "compétences usurpées" (parfois aussi qualifiées de compétences fantômes), c'est à dire, les compétences qui, transférées aux Régions et/ou Communautés, sont toujours financées et organisées par le budget fédéral. Cette question des compétences usurpées n'est pas à confondre avec la coupe budgétaire réelle de 50 millions d'euros en 2012, due à des reports de versements à l'office du Ducroire et au Fonds Africain de développement (il s'agit donc de reports de dépenses!).

Tandis que la question des compétences usurpées concerne un 'transfert' de dépenses du Fédéral vers les Communautés/Régions, et donc au total du budget de l'État belge ne concerne pas une économie : ce que le Fédéral n'inscrit plus à son budget, ce sont les Régions/Communautés qui devraient l'inscrire à leur budget.

Le 22 mars, le Premier Ministre Elio di Rupo a réaffirmé devant la Chambre qu'il y avait un accord entre les Présidents de Partis et que cet accord figurait dans l'annexe budgétaire issue de l'accord du gouvernement. La liste de ces compétences 'usurpées' a été établie par l'Inspecteur des Finances et sera soumise à la Concertation des Régions et Communautés le 27/03/2012 (réunion reportée par deux fois, en raison du deuil national le 16/03 et des cérémonies officielles de funérailles des 21 et 22 mars).

Le Ministre du budget, Olivier Chastel a déclaré devant la Commission Finance de la Chambre le 14/03/2012 : "Les autorités fédérales demandent aux Communautés et aux Régions de prendre progressivement leurs responsabilités en ce qui concerne certaines compétences. Les autorités fédérales considèrent les subventions pour les organisations de défense des droits de l'enfant, pour les associations de coopération au développement, pour la fondation Biermans-Lapôtre et pour le financement des primes syndicales du personnel public comme des compétences usurpées."(1) Un comité interministériel - entre fédéral et entités fédérales - des finances et du budget aura lieu à ce sujet mardi 27 mars à 18h30, il déterminera la composition de ces 250 millions d'euros.

Pour Philippe Suinen (AWEX et WBI), la question des compétences "usurpées" est à la fois politique et juridique.

  • Politique : "Sur les 250 millions d'économies prévues sur les compétences usurpées, il y a environ 90 millions qui portent sur la coopération au développement liée à l'enseignement. C'est une forme de hold-up du fédéral à charge des entités fédérées. En plus de ce hold-up, c'est aussi une façon de favoriser la Région qui a de meilleurs perspectives financières, c'est à dire la Flandre. Elle a d'ores et déjà dit qu'elle pourrait assumer sans problème la relève pour la coopération dans l'enseignement. On peut franchement se demander si la composante flamande du gouvernement n'a pas la volonté de nuire à la partie francophone du pays."
  • Juridique : "Dire que l'on rend aux Communautés ce qu'on leur avait pris est dans ce cas-ci une hérésie intellectuelle et juridique. Il n'y a pas d'usurpation du tout dans la coopération au développement pour l'enseignement. Affirmer le contraire, c'est essayer de faire payer aux entités fédérées une partie de l'assainissement budgétaire du fédéral." (2)

Quel impact sur la coopération au développement?

Parmi les 250 millions annoncés, le budget de la coopération au développement serait amputé des subventions accordées à la coopération universitaire et à certaines institutions scientifiques, à l'APEFE et au VVOB, aux administrations décentralisées (villes, communes, provinces), aux programmes sociaux et culturels des maisons d'accueil d'étudiants provenant des pays en développement, aux écoles à programmes scolaires belges, toutes compétences supposées "usurpées" (estimation en année pleine = +/- 92 millions d'euros).

Le Ministre Magnette a déclaré devant la Commission Relations Extérieures de la Chambre le 13/03/2012: "Le gouvernement propose que dans le cadre de la question des compétences usurpées, la coopération au développement économise un montant de 92 millions d'euros. Une conférence ministérielle lors de laquelle le premier ministre invitera les Communautés et les Régions à exercer désormais ces compétences sera organisée. À cette occasion, toutes les possibilités seront examinées pour préserver totalement la continuité des activités." (3)

Pour le CNCD 11.11.11: 50 millions en moins pour la coopération : « Regrettable mais pas surprenant ». « Je m’attendais à ce que l’aide au développement soit touchée. La coopération au développement est loin d’être la seule à être concernée par les mesures budgétaires. Et les ONG semblent être épargnées. Des mesures similaires ont été prises dans toute l’Europe. Seule la coopération au Royaume-Uni serait épargnée »(4) déclarait son secrétaire général Arnaud Zacharie.

Pour la Coupole flamande 11.11.11 on a aussi évité de toucher aux petites gens dans le Sud, mais la question des compétences usurpées porte en elle un potentiel de coupes budgétaires qui toucheront les populations défavorisées des pays en développement. (13 mars 2012)

A la session du 13 mars de la Commission Relations Extérieures de la Chambre des représentants, Wouter De Vriendt (Ecolo-Groen) a également interpellé le Ministre sur cet objectif :

"Les économies en matière de coopération au développement nous éloignent encore un peu plus de l'objectif des 0.7% du PIB. Le ministre doit être vigilant. Pour GROEN, la coopération inter-universitaire ne constitue nullement une compétence usurpée, quoi qu'en pensent d'autres groupes politiques. Le transfert de cette compétence ne figure d'ailleurs pas dans l'accord "papillon"."(2)


La coopération inter-universitaire

Pour ce qui est de la coopération inter-universitaire, le Ministre plaide pour : "une période transitoire"(3) Ce dernier renvoie au ministre du Budget pour ce qui concerne la définition des compétences mixtes ou parallèles, qui dans le cadre du budget de la Coopération au développement doivent être considérées comme usurpées.

La coopération inter-universitaire réagit. Pour le Conseil Inter-Universitaire de la Communauté Française de Belgique  (CIUF) et la Commission universitaire pour le Développement (CUD) (5), cette coupe budgétaire est faite "au prix, surtout, d'une contradiction flagrante avec l'intention déclarée de la Coopération belge de se conformer aux recommandations des instances internationales telles que l'OCDE, qui exhortent la Belgique à mener une coopération beaucoup plus cohérente, notamment dans l'articulation de ses différents volets". Aussi, les recteurs déclarent: "La coopération au développement reste une compétence du fédéral. Dès lors, comment ne pas voir dans la coopération universitaire au développement, instrument reconnu comme nécessaire et efficace, une compétence sinon fédérale, au moins partagée" (6) (13 mars 2012)

De son côté l'équivalent flamand du CIUF-CUD, le VLIR-UOS, se positionne différemment. Pour les Recteurs des Universités flamandes, les querelles communautaires et budgétaires ne peuvent pas mettre à mal la coopération au développement entre les Universités et les Hautes Écoles du Nord et du Sud. Dans le communiqué de presse paru le 22 mars 2012, les recteurs réclament davantage de clarté sur les financements 2012 (sur lesquels il n'y a pas encore d'accord) et les engagements à long terme. L'impact d'un tel transfert doit être mesuré, c'est la raison pour laquelle ceux-ci prônent une période de transition et un transfert préparé et coordonné vers les Entités fédérées qui ne pourrait se faire, selon eux, avant 2013. Dans tel scénario, les recteurs aimeraient être consultés avant 2013. Ces derniers ne se positionnent donc pas contre le transfert mais ne veulent pas qu'il signifie des économies déguisées pour le fédéral. Ils ré-insistent sur l'importance des engagements de la Belgique sur la scène internationale au niveau des 0.7% du PNB. (7)

La coopération des villes et communes

Les villes et communes du pays sont également des acteurs de la coopération au développement via le Programme de Coopération internationale communale (CIC). C'est un programme co-financé par la Coopération belge et encadré conjointement par l’AVCB (Association de la Ville et des Communes de la Région de Bruxelles-Capitale) et l'UVCW (Union des Villes et Communes de Wallonie). Ce programme est, dès lors, également menacé par la controverse suscitée par les compétences usurpées. UVCW réagit : "Un transfert vers la Région risque d'interrompre définitivement nos activités et égratignerait sérieusement la coopération belge". Ces compétences étaient jusqu'à présent qualifiées de mixtes car exercées par les deux niveaux de pouvoirs, mais selon le Ministre Magnette : "Ce n'est pas le cas".(8)

 Quelles suites?

Les Universités se mobilisent. Une pétition a été lancée par le monde académique sur internet avec pour thème : La coopération avec les universités des pays en développement gravement menacée!

Dans la presse, le ministre-président flamand, Kris Peeters, a déclaré qu'il fallait s'attendre à une discussion "très dure" avec le gouvernement fédéral à propos des compétences dites usurpées qu'il nomme compétences "fantômes" car difficile à identifier. Aussi, suite à la présentation d'une liste du contenu de ces compétences "usurpées" visées par la coupe budgétaire par le Ministre Chastel devant un conseil des ministres restreint ce 21 mars, il a déclaré : « Cette liste de Chastel est tout à fait inacceptable. Elle n’est pas à l’ordre du jour. Vous pouvez donc la déchirer et il n’est plus nécessaire d’y faire référence » au Parlement flamand.(9)

Le Ministre du budget s'est lui défendu, déclarant que ce n'était pas sa propre liste mais la liste du gouvernement fédéral avalisée par le Premier Ministre et les Vice-Premiers.(10)

Bruno Tobback, président du sp.a, en appelle au débat entre les différents niveaux de compétences. Il a affirmé :"Il ne s'agit pas de principes religieux, mais de politique pratique", lors de l'émission De Zevende Dag de la VRT-télévision. (11)

Le mardi 27 mars se déroulera la (une première réunion des ?) conférence(s) interministérielle(s) des Finances et du Budget.

Affaire à suivre donc...

(1) Extrait  du Compte Rendu analytique provisoire de la Commission Finance du 14/03/2012 de la Chambre des représentants
(2) Propos extraits de La Libre Belgique du mardi 13 mars 2012
(3) Extrait  du Compte Rendu analytique définitif de la Commission Relations Extérieures du 13/03/2012 de la Chambre des représentants
(4) CNCD-11.11.11, 50 millions en moins pour la coopération : « Regrettable mais pas surprenant »
(5) Extrait de la Carte Blanche de la CUD "Le gouvernement belge veut-il abandonner les universités du Sud" du 12 mars 2012
(6) Site internet Le Vif.be, jeudi 15 mars
(7) Communiqué de presse du VLIR-UOS paru le 22 mars 2012
(8) Article paru dans Le Soir sur 26 mars 2012
(9) http://www.lesoir.be/actualite/belgique/elections_2010/2012-03-21/peeters-vous-pouvez-dechirer-la-liste-des-competences-usurpees-904207.php
(10)http://blogs.rtl.be/carnetpolitique/kris-peeters-veut-dechirer-la-liste-dolivier-chastel/
(11) http://www.rtbf.be/info/belgique/detail_competences-usurpees-bruno-tobback-en-appelle-au-debat?id=7736814